L’actualité de ces dernières semaines nous démontre que la « guerre de l’information » est devenue un enjeu majeur des démocraties contemporaines. En exploitant nos biais cognitifs, en saturant notre attention et en déstabilisant nos repères narratifs, elle altère notre perception du réel et nourrit la défiance.
Dans ce contexte, restaurer la confiance et favoriser l’engagement citoyen est un impératif pour préserver la démocratie locale. Cependant, il est essentiel de reconnaître que la désinformation n’est pas la seule cause de cette crise de confiance. Les collectivités locales, bien qu’ayant un rôle clé, ne peuvent agir seules. Cet article propose une approche nuancée et pragmatique des stratégies à mettre en place pour renforcer la résilience des citoyens et des territoires
Une guerre de l’information qui fragilise la démocratie
La guerre de l’information repose sur des mécanismes sophistiqués, mais parfaitement identifiés, qui exploitent nos vulnérabilités cognitives et émotionnelles. En voici quelques-uns parmi les principaux :
- Exploitation des biais cognitifs : L’être humain est naturellement enclin à croire des informations qui confirment ses opinions préexistantes.
- Saturation de l’attention et désorientation : L’infobésité et la multiplication de contenus contradictoires épuisent notre capacité à discerner le vrai du faux. Une surcharge émotionnelle ne visant qu’à créer de l’indignation, de la colère, la peur et de l’espoir, nous empêche, alors de raisonner correctement.
- Manipulation des récits et des imaginaires : Les récits dominants sont détournés pour influencer les opinions et renforcer les clivages sociaux.
- Amplification par les algorithmes : Les réseaux sociaux favorisent les contenus émotionnels et polarisants, souvent au détriment de la véracité.
Conséquences individuelles et collectives
- Une confusion croissante face à l’information et une perte de repères démocratiques.
- Une défiance exacerbée envers les institutions et les médias.
- Une fragmentation sociale et politique accrue.
- Une altération, pour ne pas dire une extinction du débat public (cf. au parlement ou sur les réseaux sociaux) et de la capacité à agir collectivement.
Attention cependant, si la désinformation, les manipulations narratives et la surcharge cognitive contribuent à l’érosion de la confiance des citoyens envers les institutions, d’autres facteurs y contribuent également. L’inefficacité perçue ou réelle des politiques publiques, le sentiment d’abandon de certaines populations face aux mutations économiques et sociales, la crise de légitimité et l’éloignement perçu des élites et des médias traditionnels l’expliquent tout autant. Une approche globale est donc nécessaire.
Des moyens d’actions pour y faire face
Face à ces menaces, les collectivités locales ont un rôle central à jouer pour renforcer la résilience des territoires et de leurs habitants. Il est essentiel d’adopter une approche globale mêlant actions individuelles, initiatives collectives et mobilisation des acteurs locaux.
Au niveau individuel : Développer l’esprit critique et la résilience cognitive
- Éducation aux médias et à l’information : Déployer des programmes pédagogiques pour apprendre aux citoyens, et surtout aux jeunes, à identifier les sources fiables et repérer les manipulations. Remettre en question les informations reçues, vérifier les sources, ne pas se laisser emporter par ses émotions permettent de développer lucidité et esprit critique.
- Prise de conscience de nos propres biais cognitifs : Ne pas se croire plus malin que les autres, sachant qu’on a TOUS nos propres filtres et nos limites qui influencent la réception et l’interprétation des informations. (cf.biais de confirmation)
- Valorisation de l’identité narrative et des valeurs citoyennes : plutôt que de se laisser définir par son compte utilisateur, le fait de plus s’appuyer sur ses expériences, ses connaissances, ses convictions et ses valeurs pour évaluer des informations permet de mieux résister aux manipulations.
Au niveau collectif : Repenser la communication et favoriser l’engagement citoyen
- Cartographier les imaginaires collectifs : Identifier les récits et valeurs qui structurent les représentations locales pour élaborer des stratégies de contre-récits adaptés.
- Encourager le débat public de qualité : Organiser des forums, débats et assemblées citoyennes pour favoriser une interaction directe entre les habitants et leurs représentants.
- Développer des récits positifs et fédérateurs : Mobiliser des narrations ancrées dans l’histoire locale pour lutter contre les récits dans lesquels on n’a que des liens indirects, sans nier pour autant les problèmes, mais en les reliant à des clés de compréhension et d’action crédibles et inclusives.
- Miser sur la transparence et la co-construction : Associer les citoyens aux processus de décision pour restaurer la confiance et renforcer l’adhésion aux politiques publiques.
Au niveau des institutions locales : Structurer une réponse stratégique et collaborative
- Créer des observatoires locaux de l’information : Mettre en place des cellules de veille citoyenne et institutionnelle pour détecter les campagnes de désinformation et en analyser les impacts.
- Soutenir les médias locaux indépendants : Financer et promouvoir un journalisme de proximité rigoureux et ancré dans la réalité des territoires.
- Former les élus et agents publics aux enjeux de la désinformation : Développer des compétences spécifiques pour répondre efficacement aux campagnes de manipulation de l’information.
- Tisser des alliances avec d’autres collectivités et institutions : Mutualiser les ressources et les expertises à l’échelle régionale ou nationale pour coordonner les stratégies de réponse.
Vers un sursaut collectif : la place de chacun pour restaurer la confiance
L’idée générale n’est surtout pas de nier la complexité des problématiques, ni de trop simplifier les narrations, mais de favoriser une culture du doute sain et de créer les conditions de débats contradictoires argumentés. Articuler le renforcement de la légitimité des instances locales avec des actions participatives doit ainsi permettre de consolider une plus grande confiance en l’avenir.
Restaurer la confiance ne peut être l’affaire d’un seul acteur. Chaque composante de la société a un rôle à jouer :
- Positionner les collectivités locales comme médiatrices : Elles doivent structurer les espaces d’échange et de débat, et garantir la transparence des processus décisionnels.
- Faire des citoyens des acteurs du changement : Il est essentiel d’encourager l’engagement à travers des initiatives locales et des pratiques de co-construction.
- Les médias et plateformes numériques comme garants de l’éthique informationnelle : Ils doivent promouvoir des contenus de qualité et réguler les mécanismes favorisant la viralité des fausses informations.
Conclusion : démocratie, confiance et engagement
Comme l’actualité diplomatique, nous le montre ces jours-ci, face à la guerre – dont l’utilisation de l’information, n’est qu’un des éléments, et à la crise de confiance démocratique, une réponse purement défensive s’avère totalement insuffisante.
Restaurer la confiance implique de repenser les formes de gouvernance, de créer des espaces d’expression inclusifs et de renforcer les capacités des citoyens à exercer leur esprit critique.
Les collectivités locales, en tant que catalyseurs et médiateurs, ont un rôle essentiel à jouer pour favoriser l’engagement citoyen et consolider notre socle démocratique.
Autour de ces valeurs, Cambium Stratégie se positionne comme un partenaire stratégique des collectivités locales, en proposant des solutions concrètes et adaptées aux réalités territoriales, pour renforcer la résilience démocratique et faire émerger un véritable sursaut collectif.