Comment repenser la croissance au delà du PIB?

27 Août 2024

Le propos ici n’est pas de porter de jugement moral sur l’état de la société telle qu’elle a été modelée par le système   économique en place.

Nous souhaitons juste dire 2 choses. Par définition, la croissance économique oblige à porter la consommation de ressources énergétiques et matérielles à des niveaux qui ne sont plus viables (cf. dépassement des limites planétaires). Ensuite, il semble nécessaire de repenser la notion de pauvreté : car même si la privation matérielle extrême diminue, le nombre de personnes exclues socialement augmente (accroissement des inégalités et difficultés exponentielles à subvenir à des besoins élémentaires comme le logement, alimentation, chauffage, soins…)

La notion de croissance verte a semblé être une partie de la solution, mais risque de s’avérer, quelle que soit son ampleur, bien insuffisante. On aura beau multiplier les (fameux) outils de mesure d’impact avec des indicateurs toujours plus précis, tant qu’on ne changera pas nos comportements, aucune perspective d’amélioration ne se matérialisera. Ce pourrait même avoir l’effet inverse et générer du découragement chez les plus vertueux, les indicateurs d’impact démontrant que les efforts réalisés sont « colibresques » au vu de l’ampleur mondiale du chantier (cf. les travaux du GIEC sur le découplage des émissions de GES et la hausse du PIB selon les pays et continents).

 

L’argent ne fait pas le bonheur…à partir d’un certain seuil

Par ailleurs, à supposer que la croissance telle que pensée jusqu’à aujourd’hui était censée pouvoir nous rendre heureux, toutes les études démontrent qu’au-delà d’un certain seuil, l’argent ne fait pas le bonheur. Evidemment, la question serait de déterminer quel est ce seuil. Le politique, mais aussi chaque citoyen, qui en découvrirait sa propre formule mathématique, pourraient alors se consacrer pleinement à développer les moyens pour l’atteindre. Puis il devra apprendre à s’en contenter dans une démarche à la fois de « sagesse » et de « conscience verte et de durabilité ». Pour parvenir à définir ce « seuil de contentement », l’objectif serait donc de parvenir à définir le niveau de ses réels besoins matériels et immatériels, qu’ils soient valorisables monétairement …ou pas !

Car en effet, qui peut dire qu’il arriverait à travailler s’il n’avait pas de temps à consacrer aux tâches domestiques, à la préparation des repas, à l’éducation et l’instruction de ses enfants, aux soins consacrés à un proche dépendant. Qui peut dire qu’il arriverait à donner du sens à son travail, s’il n’arrivait pas, en parallèle à consacrer du temps à ses passions, qu’elles soient culturelles, sportives…Plus basiquement, qui peut dire qu’il y aurait un sens à donner à son travail, s’il ne générait pas des revenus suffisants pour avoir un logement digne, un chauffage décent, un accès équitable aux soins, une alimentation saine et suffisante.

L’empreinte du concept de croissance dans nos gènes et « structures neuronales », porté jusqu’à l’outrance dans les discours politico-médiatiques ambiants, nous poussent à ne prendre en considération que ce qui est quantifié, mesuré et valorisé. Aujourd’hui tout ce qui n’est pas « valorisé » est donc considéré comme « sans valeur ». CQFD.

 

Donner de la valeur à toute activité ayant une utilité sociétale

La sociologie et la psychologie nous enseignent qu’une part essentielle de nos besoins fondamentaux sont directement reliés à la satisfaction d’être relié à l’autre et aux autres. En ce sens, l’activité professionnelle s’avère bien sûr essentielle. Mais pas suffisante. Identifier nos besoins, nos attentes et la façon d’y répondre doit permettre d’identifier puis de valoriser toutes les activités qui vont apporter une contribution positive dans nos vies directement et dans la société indirectement. Repenser chaque activité au crible de son utilité sociétale pourrait devenir le nouveau logiciel à faire tourner, que ce soit dans sa propre vie, dans son entreprise et sur son territoire. Identifier des besoins non couverts ou des attentes insatisfaites doivent permettre de réfléchir collectivement à la mise en place de solutions, pas forcément coûteuses, sources d’opportunités pour créer du lien, de l’emploi et dans tous les cas plus de cohésion sociale, dont on sait qu’elle contribue à la qualité de vie, moteur d’attractivité des territoires.

La créativité nécessaire au développement de solutions spécifiques et locales permet en outre aux territoires de gagner non seulement en résilience, mais aussi en responsabilisation, voire empowerment de ses parties prenantes, avec une gouvernance réinventée, dont chacun souhaite la prévalence.

 

L’impératif d’apprendre à « déconsommer »

Décorréler notre addiction à la croissance économique de la notion de progrès et d’amélioration de bien-être est le principal obstacle à cette transformation : nous en voulons pour la plupart toujours plus, en assimilant des désirs artificiels véhiculés par les pro du marketing, sans toujours nous interroger sur ce qui nous correspond vraiment.

Garantir les droits fondamentaux comme l’accès au logement, à l’énergie, à l’alimentation, aux soins, au numérique et permettre à chacun de s’épanouir dans un monde aux ressources limitées semble un objectif aussi noble que réalisable pour peu que ces droits soient définis, structurés et mis en place démocratiquement.

Pour démarrer la démarche plus efficacement, il convient peut-être « seulement » de penser ses politiques publiques au spectre de leur impact et de leur apport dans les domaines dont on a démontré qu’ils contribuent, selon les termes d’un groupe de travail de l’OCDE à « une vie satisfaisante et épanouissante » des acteurs du territoire (santé, éducation, environnement…).

 

Repenser la notion de PROGRES en y ajoutant le mot HUMAIN

L’ONU avec son Indice de Développement Humain, puis ses ODD ont permis à tous, mais avec des niveaux d’implication plus qu’hétérogènes, de repenser la notion de PROGRES en y ajoutant le mot HUMAIN.

Parler de mesurer le PROGRES HUMAIN pour orienter l’action et les politiques publiques n’est cependant pas chose aisée, dans le choix des indicateurs qui se doivent d’être consensuels et objectifs, dans le traitement des signaux envoyés par ces mêmes indicateurs et dans la mise en place de solutions aux problèmes soulevés par ces signaux.

Il nous revient donc de définir les domaines contributifs à une vie satisfaisante et épanouissante, mais également en adéquation avec les contraintes environnementales. De nombreux pays à travers le monde ont mis en place des budgets, des stratégies, voire des politiques publiques pour favoriser et mesurer le PROGRES HUMAIN, qu’on peut également nommer BIEN-ETRE ou encore BONHEUR. Le plus ambitieux et le plus emblématique étant le Bhoutan.

L’idée ne sera évidemment pas de reproduire ce qui est fait ici ou là, dans la mesure où chaque territoire a un capital économique, un capital humain, un capital nature et un capital social UNIQUES et SINGULIERS.

Et c’est justement de ce mix que sur chaque territoire vont émerger des besoins et des attentes liés à l’insatisfaction des parties prenantes. Avec des potentiels à exploiter, des risques à anticiper, mais aussi des opportunités jusqu’alors masquées.

 

Pour une approche territorialisée du BONHEUR « NATIONAL » BRUT

L’objectif est alors de réfléchir collectivement. En 1er lieu, aux conditions favorisant le bien-être des individus en termes de santé physique et « psychologique », utilisation du temps, éducation/formation et conditions de vie. Ensuite  de réfléchir également aux conditions organisationnelles favorisant le fonctionnement harmonieux de la communauté territoriale en termes de gouvernance, vitalité de la communauté, diversité culturelle, résilience écologique.

Soient les 9 domaines du BNB modélisés au Bhoutan comme alternative au PIB pour mesurer le développement d’un groupe, d’une entreprise ou d’un territoire.

La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui, la data nous donne la possibilité de savoir d’où l’on vient, où l’on est, pour définir collectivement vers quoi on souhaite aller.

Mais aussi de savoir si on le peut et ce qu’il faut mettre en œuvre pour y arriver.

Il est ainsi possible de résoudre au moins 2 des 3 blocages limitant la mesure du PROGRES HUMAIN évoqués ci-dessus ; mais il sera toujours (j’espère) de la responsabilité des individus et du collectif de définir et valider ensemble les solutions à mettre en œuvre pour nous développer et continuer à faire SOCIETE.

 

Repenser la notion de PROGRES

Pour conclure et avant de replonger dans la frénésie d’une rentrée qui s’annonce mouvementée, nous considérons qu’il est de notre devoir d’humain, de parent, de développeur, de consultant, d’élu, etc. de repenser cette notion de progrès pour soi, pour son entreprise, pour le territoire sur lequel on vit, travaille ou pour lequel on a reçu un mandat.

Sur ces bases, avec la data et l’IA pour leviers, nous développons chez CAMBIUM STRATEGIE une méthodologie permettant à chaque collectivité territoriale de mieux comprendre les besoins de ses parties prenantes (citoyens, entreprises, association, services publics…), d’identifier les risques auxquels elle est/sera exposée et de mieux cerner ses potentiels (industriel, touristique, agricole, humain, technologique…). Les opportunités qui en émergeront doivent contribuer à ce que, chaque territoire s’aligne un peu plus, un peu mieux avec ce qui le singularise (identité et ancrage), ce qui est bon pour lui (cohésion territoriale) et tous ses ressortissants (des gens plus HEUREUX ).   

 

Bref, réapprenons ensemble à être heureux !

 

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